Biography

Carlo Mollino est un des esprits artistiques les plus fascinants de son époque. Connu de son vivant pour ses designs et son architecture, autant que pour ses exploits sportifs, le public découvre à sa mort en 1973 des centaines de photographies qu’il a réalisées tout au long de sa carrière, et gardées précieusement cachées. Cette découverte enchante autant qu’elle étonne les amateurs, et révèle encore une autre facette de l’homme et de l’artiste.

Ses photographies les plus célèbres sont celles produites au cours des années 1960, les Polaroids aux couleurs fanées, qui représentent des jeunes femmes, vêtues ou non, portant accessoires, perruques et costumes, lançant un air lascif à l’appareil. Ces jeunes femmes ont été dites être des étudiantes, petites amies, danseuses, prostituées, beautés de la vie nocturne turinoise séduites et photographiées se dénudant, dans les décors familiers à Mollino. En effet, paravents, miroirs, lits, rideaux, chaises et mobiliers divers, sont ceux de la villa Zaira et ceux de sa dernière résidence dans la via Napoleone à Turin, véritable écrin à la manière des pyramides égyptiennes qu’il façonne pour l’accueillir dans l’au-delà, et dont on retrouve le mobilier et les éléments décoratifs dans certaines photographies. Ces Polaroid à l’ambiance baroque et surannée  d’un boudoir ou d’un gynécée moderne, sont très étudiées. La composition, la lumière, sont savamment travaillées, de même que les images elles-mêmes sont adoucies, pour correspondre plus à l’idéal féminin de Mollino. Les teintes sont sourdes mais restent douces, les poses érotiques sont contrebalancées par des airs parfois presque angéliques. Sculpturales dans des décors minimalistes, les modèles sont sublimées, et l’ironique opulence de ces mises en scènes rompt avec le caractère licencieux des photographies, rendant parfaitement compte de l’esthétique très précise de l’artiste, faite d’oppositions et de contrastes, entre ombre et lumière, épure et baroque, ésotérisme et sensualité.

Dès les années 1930, avant de commencer les Polaroids aujourd’hui célèbres, Mollino fait déjà des photographies similaires, au sein de ses maisons et appartements successifs comme la Casa Miller (1936), la Casa Devalle (1939-40) ou la villa Zaira (1968). Dans la première, il photographie des jeunes femmes avec des accessoires comme une grande tête de cheval blanche, des drapés, ou encore des jeux de miroirs, photographies qui seront reprises dans sa publication « Il messaggio dalla camera oscura » en 1949. Les photographies plus tardives, dans les années 1950, sont plus osées. Des jeunes femmes – étudiantes, danseuses, prostituées, amies – se dévêtent, mi-amusées, mi-effrontées, sous l’œil du spectateur. Le jeu, l’humour presque, semblent perceptibles dans ces images pourtant franches, crues, de corps abandonnés et offerts, de visages détournés ou défiants. Brisant la perspective par une multiplication de jeux de miroirs, de voilages ou de panneaux, il dissout l’espace réel pour en faire un lieu indéfini d’une grande puissance expressive, mêlant meubles aux matériaux bruts et douceur des soieries et des chairs. De même, dans ses photographies de nus, en noir et blanc ou en couleur, le modèle et son environnement sont toujours étroitement liés, dans une relation sensuelle et expressive. La photographie reste toujours pour Mollino une démarche très personnelle, où il exprime son attachement à des thèmes qui lui sont chers, comme l’architecture, le ski, la voiture, ou les femmes. Il semble même que ces thèmes de prédilection se recoupent, ses meubles s’inspirant des courbes des femmes qu’il photographie, et celles-ci se fondant dans les courbes dessinées par le designer dans les photographies qu’il prend d’elles. Chaque médium, chaque discipline, se nourrit des autres pour accroitre ses capacités expressives. De même, que ce soit en architecture, en design ou en photographie, son œuvre est toujours hybride, résultat d’un mélange d’influences et, dans le cas de la photographie, d’un processus de post-production important, entre la chambre noire, le photomontage et les retouches.

Carlo Mollino est né à Turin en 1905. Fils d’un ingénieur, il s’intéresse très tôt à diverses disciplines artistiques, au design, à l’architecture, à l’occulte ou aux voitures anciennes. Il étudie l’histoire de l’art à l’université de Gand, puis à l’université de Turin l’ingénierie et l’architecture. En 1931, il commence à travailler au sein du cabinet d’architecte de son père Eugenio Mollino. Très polyvalent, il travaille à la fois comme architecte, pour le Teatro Regio ou la Società Ippica Torinese, comme designer d’un mobilier épuré, comme styliste, scénographe, essayiste. Il est également un skieur émérite, pilote de voltige, et participe à des courses automobiles, comme les 24 Heures du Mans en  1954 avec sa « Bisiluro », qu’il a dessinée lui-même.  Enfin, il est également photographe,  prenant pour modèles ses architectures, l’intérieur des maisons qu’il a designées, ou encore des jeunes femmes, dans des positions lascives et érotiques. Il commence la photographie dès les années 1930-40, et se met dès le début de ce médium à utiliser le Polaroïd. Entre 1962 et sa disparition soudaine en 1973, il en aura produit quelque 1300, et plus de 2000 au cours de sa vie. Récemment, ses œuvres ont été exposées au  Nederlands Architectuurinstituut (Rotterdam, 1990), Hamiltons Gallery (London, 2003), MAXXI Museo Nationale delle arti del XXI secolo (Roma, 2006), Galleria Civica d’arte Moderna e Contemporanea - Castello di Rivoli (Turin, 2007), Kunsthalle (Wien, 2011), Haus der Kunst (München, 2011), Gagosian Gallery (New York, 2014), CAMERA – Centro Italiano per la Fotografia (Turin, 2016), Galerie SAGE (Paris, 2016).

Son travail est conservé dans les collections du Centre Georges Pompidou (Paris), Victoria & Albert Museum (London), Brooklyn Museum (New York), Centre Candadien pour l’Architecture (Montreal), Vitra Design Museum (Weil am Rhein), Musée des Beaux-Arts de Montréal, Museo Alinari  (Florence).

 

 

 

 

Carlo Mollino is one of the most fascinating artistic spirit of his time. Known in his days for his designs and his architecture, as well as his sporting achievements, the public discovers after his passing in 1973 hundreds of photographs he made and hid throughout his career. This discovery pleased and stunned amateurs, and revealed another facet of both the man and the artist.

His most famous photographs are those produced during the 1960’s, Polaroids with wilted colours, representing young women, dressed or not, wearing accessories, wigs and costumes, and lecherously gazing at the camera. These women have been said being students, girlfriends, dancers, prostitutes, beauties of Turin’s night life who had been seduced and photographed taking off their clothes, in Mollino’s familiar environment. Indeed, folding screens, mirrors, beds, curtains, chairs and the other furniture, are those of the villa Zaira and in via Napoleone in Turin, his last residency, arranged as an Egyptian pyramid to welcome him after his death, and whose furniture and decorative elements appear in some of the photographs. The Polaroids, with a specific baroque and obsolete atmosphere, like that of a boudoir, are very well-thought. Composition, light, are reviewed, and the images itself are softened to correspond to Mollino’s female ideal. The colours are mostly dull tints but remain smooth, the erotic poses are counterbalanced by the model’s almost angelical airs. Sculptural in minimalistic decors, the models are sublimated, and the ironic opulence of the setting offers a great contrast with the indecency of the photographs. That contrast perfectly expresses Mollino’s very precise aesthetic, made of oppositions; between shadows and light, refinement and baroque, esotericism and sensuality.

As soon as the 1930’s, before beginning the famous Polaroids, Mollino already produced similar photographs, within his successive houses and apartments, like the Casa Miller (1936), Casa Devalle (1939-40), villa Zaira (1968). In the first, he photographs young women with accessories like a large white horse head, draperies or mirrors. Some of these photographs would be published in 1949 in his “Il messaggio dalla camera oscura”. Later photographs, in the 1950’s, are more licentious. Women – students, friends, dancers, prostitutes – undress, half-amused, half-bold, under the eye of the viewer. Humour and game are part of these images, in spite of the frankness and the crudeness of the offered bodies, of the abandoned faces. Breaking the perspective through a multiplication of mirrors, curtains and panels, he dissolves the real space to create an indefinite place of great expressive power, mingling raw materials and soft silky flesh. Indeed, in his nudes, both black and white and colour, the model and her environment are tightly related, in a sensual and expressive relationship. Photography remains for Mollino a very personal action, where he expresses his attachment to themes like architecture, ski, cars, or women. It even seems that these themes overlap each other, furniture being inspired by women’s curves, as well as women bodies dilute in the curves of the chairs and tables he had designed. Every medium, every discipline, is nourished by the others to increase Mollino’s expressive qualities. In architecture, design, or photography, his oeuvre is always a hybrid, result of mixing influences, and in the case of photography, result of a careful process from the darkroom to retouching and photo-montage.

Carlo Mollino was born in Torino in 1905. Son of an engineer, he is very soon interested by artistic subjects, design, architecture, occultism, and antique cars. He studies history of art in Ghent, then engineering and architecture at the University of Torino. In 1931, he begins working in his father’s architectural firm. Very versatile and multi-skilled, he works as an architect for the Teatro Regio or the Società Ippica Torinese, he designs some very refined furniture, and is also a stylist, set designer and writer. He is also a famous skier, an acrobatic pilot, and runs some car races, for example the 24H of Mans in 1954, in the “Bisiluro” he designed himself. Finally, he is also a photographer, taking shots of architectures and the interiors of the houses he had designed, as well as women, mostly in lascivious and erotic poses. He began photography as soon as the 1930-40’s, and uses Polaroid very early. Between 1962, and his untimely passing in 1973, he would product around 1300 Polaroid, and more than 2000 photographs during his whole life. Recently, his works were exhibited in the Nederlands Architectuurinstituut (Rotterdam, 1990), Hamiltons Gallery (London, 2003), MAXXI Museo Nationale delle arti del XXI secolo (Roma, 2006), Galleria Civica d’arte Moderna e Contemporanea - Castello di Rivoli (Turin, 2007), Kunsthalle (Wien, 2011), Haus der Kunst (München, 2011), Gagosian Gallery (New York, 2014), CAMERA – Centro Italiano per la Fotografia (Turin, 2016), Galerie SAGE (Paris, 2016).

His works are in public collections such as the Centre Georges Pompidou (Paris), Victoria & Albert Museum (London), Brooklyn Museum (New York), Centre Candadien pour l’Architecture (Montreal), Vitra Design Museum (Weil am Rhein), Musée des Beaux-Arts de Montréal, Museo Alinari  (Firenze).