Biography

Karl Blossfeldt est l’un des noms phares de l’histoire de la photographie, dont les images raffinées et sophistiquées se sont démarquées tant au XXe siècle qu’aujourd’hui. Pourtant si l’homme a vécu et produit au XXe siècle, ses intentions sont, elles, du XIXe. En effet, figure de la première moitié du siècle, dont la renommée s’étend à l’entre-deux-guerres, ses productions rompent totalement avec la « nouvelle vision » et la modernité tant technique que théorique de ses contemporains. Pourtant, ses photographies épurées, captivant le regard par leur présence tangible et profonde, ont été bien reçues tant  par le public que par les artistes des années 1930.

Cette reconnaissance artistique, qui fait suite à la publication de ses deux ouvrages Urformen der Kunst (Les Formes originelles de l’art), 1928, et Wundergarten der Natur (Le Jardin merveilleux de la Nature), 1932, sanctionne le caractère artistique, la précision plastique de photographies produites dans un but tout autre. Dès ses premières photographies, Blossfeldt utilise le médium comme un outil pédagogique, au service d’une théorie des formes liée aux arts décoratifs, aux ornements et à la sculpture. Professeur à l’École des Arts décoratifs de Berlin, il anime un cours de modélisme, fondé sur le postulat que toutes les formes sont déjà dans la nature, et que pour trouver l’inspiration d’objets nouveaux et harmonieux, leur design doit s’inspirer et se fonder sur les formes présentes dans la nature : plantes, graines, fleurs, feuilles, épis, bourgeons, tiges, brindilles, buissons.

Ces matériaux de la nature, périssables, soumis aux atteintes du temps et des éléments, sont donc immortalisés via la photographie, présentés aux étudiants sous forme de diapositives de 20 x 30 centimètres. Pour faire ses photographies, Karl Blossfeldt utilise un matériel qui, une fois encore, va à l’encontre des techniques et expérimentations modernes. Son appareil est simple, construit de ses mains dans un format très répandu (9 x 12 cm), et il utilise des plaques de verre avec émulsion orthochromatique bon marché. Toutes ses photographies sont régies par le même système : les plantes sont présentées devant un arrière-plan gris ou blanc, dans la tradition des livres de botanique médiévaux ou des herbiers du XVIIIe siècle. Elles ne sont pas toujours représentées telles qu’elles sont effectivement dans la nature ; les racines, les tiges, sont recoupées, la plante est maintenue dans une position, présentée sous un angle non naturel. Mais cette manipulation ne trahit cependant pas le postulat théorique, et vise à montrer le volume et les formes de façon plus efficace. Le but pédagogique rend nécessaire la simplification des formes, la mise en exergue de la texture, des arêtes et des lignes, pour rendre compte non pas de la nature de la plante, mais de sa structure fondamentale, faite d’angles et de courbes, aisément comparable aux formes recrées par l’homme. 

Les images produites, très contrastées, aux contours durs, aux arrêtes précises, sont repérées en 1925 par Karl Nierendorf, galeriste, connaisseur du mouvement Dada et du constructivisme. Il décèle dans les photographies de Blossfeldt une modernité, une affirmation saisissante, comparable à celle des avant-gardes de l’époque, et diffuse ces photographies dans des publications et expositions. À partir de cette période, aucun livre de photographie ne sera publié sans évoquer son œuvre, et ce jusque dans les années 1950. Son travail influencera des artistes aux orientations très diverses, depuis les surréalistes jusqu’à Germaine Krull, Shomei Tomatsu ou Robert Mapplethorpe.

À travers ses quelque 6 000 photographies à l’immédiateté étonnante et austère, il met en exergue la volonté créatrice qui relie l’art et la nature, où la plus haute forme artistique est atteinte en suivant les traces de la nature. Son approche directe, ainsi, reflète une interprétation poétique de la relation entre l’art et la nature « Chaque développement dans la sphère de l’art nécessite une stimulation. Une force nouvelle et une stimulation saine pour son développement ne peuvent dériver que le la Nature. Et c’est avec cette finalité en vue que j’ai publié ce second ouvrage – pour susciter un sens de la Nature, pour démontrer la richesse de la beauté au sein de la Nature, pour stimuler l’observation de notre propre monde végétal. […] Pas seulement, alors, dans le monde de l’art, mais également dans celui de la science, la Nature est notre meilleur professeur. »

Karl Blossfeldt naît en 1865 dans la région des montagnes du Hartz, au nord de l’Allemagne. Apprenti dans un atelier de fonderie d’art, il étudiera ensuite à l’École des Arts décoratifs de Berlin, où il sera l’élève de Moritz Meurer. Il rejoindra en 1892 son professeur à Rome, où il l’assiste en tant que modéliste dans son étude de la végétation romaine et de ses richesses. Cette expérience est le point de départ du travail photographique de Blossfeldt sur les plantes, qu’il continuera ensuite pendant de nombreuses années, lorsqu’en 1899 il devient professeur de modélisme d’après des modèles végétaux à l’École des Arts décoratifs de Berlin. À sa disparition en 1932, il travaille encore sans relâche sur ce thème, préparant une méthode de dessin résumant sa pensée.  Récemment, son œuvre a été exposée à la Maison européenne de la Photographie (Paris, 1997), Fotomuseum Winterthur (Switzerland, 2000), Pinakothek der Moderne (Munich, 2012), White Chapel Gallery (London, 2014), Pinakothek der Moderne (Munich, 2015 - 2016).

Son œuvre est conservée dans des institutions telles que Museum of Modern Art (New York), Foundation Ann & Jürgen Wilde (Karl Blossfeldt Archives, Cologne), Universität der Künste Berlin (Berlin University of the Arts), Pinakothek der Moderne (Munich). 

 

 

 

Karl Blossfeldt is one of the main names in history of photography, whose sophisticated images appealed as much during the 20th century as they do today. Yet if he lived and produced during the 20th century, his intentions are more of the 19th. Indeed, he is a figure of the first half of the century, whose renown spread during the inter-war period, but his productions completely breaks up with the “new vision”  and the technical and theoretical modernity of his contemporaries. However, his refined images, captivating the gaze by their tangible and deep presence, were very well received both by artists and the public of the 1930s.

This artistic appreciation, following the release of two books “Urformen der Kunst” (Archetypal Forms of Art), 1928, and “Wundergarten der Natur” (The Wondergarden of Nature), 1932, endorses the artistic character and the plastic precision of the photographs, yet produced in a very different mean. Since his beginning, Blossfeldt uses photography as a pedagogic device, at the service of his theory of forms in Nature and in the Decorative Arts. Professor at the Institute of the Royal Arts and Crafts Museum in Berlin, he teaches a modelling course, on the assumption that every shape is already in Nature, and that to find the inspiration for new harmonious objects, the design needs to be inspired  by natural shapes : plants, seeds, flowers, leaves, wheat ears, flower buds, stems, twigs, bushes.

These materials from nature are perishable, and are thus captured through photography, and presented to the students as slideshows of 20 x 30 centimetres. To make his photographs, Karl Blossfeldt uses devices which, once again, are cut from modern techniques and experimentations. His camera is simple, made by himself in a very common size (9 x 12 cm), and he uses glass plates with a cheap orthochromatic emulsion. All of his photographs are of the same style : the plants are presented on a white or grey background, in the line of medieval botanic books or 18th-century herbarium. Most of these are not laid out the way they are in Nature; roots and stems are cut, the plants are maintained in unnatural positions, shown under an unnatural angle. But this manipulation doesn’t betray the theoretical postulate, and aims to show the volumes and shapes more efficiently. The pedagogic aim necessitates a simplification of forms, the emphasise of texture, ridges and lines, to render not only the nature of the plant, but also its fundamental structure, made of angles and curves, and easily comparable to shapes recreated by man.

The images then produced, very contrasted, with sharp outlines and precise edges, are spotted in 1925 by Karl Nierendorf, connoisseur of the Dada movement and the constructivism. He detects in Blossfeldt’s photographs some modernity and a striking statement similar to those of 1930s avant-garde. Nierendorf then promotes the photographs through publications and exhibitions. Since that time, every book released about photography would evoke Blossfeldt until the mid 1950s. His work would influence artists of very diverse orientation, from surrealists to Germaine Krull, Shomei Tomatsu or Robert Mapplethorpe.

Through more than 6 000 photographs of stunning and austere straightforwardness, he highlights the creative will shared by both Nature and Art, where the highest form of Art is reached by following the traces of Nature. His direct approach, thus, reflects his poetic interpretation of the relationship between art and Nature “ Every sound expansion in the realm of art needs stimulation. New strength and stimulus for its healthy development can only be derived from Nature. And this is with this end in view that I have published this second volume – to arouse the Nature –sense, to demonstrate the wealth of beauty in Nature, to stimulate observation of our own plant world. [...] Not only, then, in the world of art, but equally in the realm of science, Nature is our best teacher.”

Karl Blossfeldt was born in 1865 in the Hartz mountains, in northern Germany. Apprentice in an art foundry, he then studied in the Unterrichtsanstalt des Königlichen Kunstgewerbemuseums Berlin, School of Decorative Arts where his teacher was Moritz Meurer. He joined in 1892 his teacher in Rome, where he assisted him in the study of Italian plant riches as a modeller. It is the starting point of Blossfeldt’s photographic work about plants, which he continued for decades, notably as a teacher in 1899 when he became professor for the Institute of the Royal Arts and Crafts Museum in Berlin. Before his death in 1932, he was still working on this theme, preparing his own drawing method. Recently, his works have been exhibited in the Maison Européenne de la Photographie (Paris, 1997), Fotomuseum Winterthur (Switzerland, 2000), Pinakothek der Moderne (Munich, 2012), White Chapel Gallery (London, 2014), Pinakothek der Moderne (Munich, 2015-2016).

His photographs are preserved in institutions such as the Museum of Modern Art (New York), Foundation Ann & Jürgen Wilde (Karl Blossfeldt Archives, Cologne), Universität der Künste Berlin (Berlin University of the Arts), Pinakothek der Moderne (Munich).